« De tous les sujets sensibles que j’ai couverts, de la religion à l’avortement, mes vidéos sur l’éthique de l’équitation ont de loin provoqué le plus de controverses. »
PREFACE
Cet article vous présente un tour d’horizon général sur le contexte de l’antispécisme dans la filière équine, en vous faisant part des différents points de vue et réactions.
COMMENT DEFINIR LE SPECISME ET L’ANTISPECISME ?
Difficile quand on effectue quelques recherches sans en être spécialiste, de lui trouver une définition arrêtée et précise. Ce terme très récent n’existe pas encore dans les dictionnaires. Les mots employés par Universalis m’ont semblés être les plus clairs dans sa définition.
L’antispécisme s’oppose au spécisme. Le spécisme est un mot « francisé » de l’anglais « speciesism » qui désigne toute discrimination qui serait fondé sur des critères d’appartenance à une espèce biologique donnée. L’antispécisme donc rejette toute idée que l’Homme puisse, par son espèce, avoir un ascendant sur un autre ou se dissocier du règne animal, et ainsi justifier des traitements différenciés ou des discriminations.
HISTORIQUE DE L’ANTISPECISME DANS LA FILIERE EQUINE ET ZOOM SUR 2019
Les mouvements en faveur de la protection de l’exploitation des espèces ne datent pas d’hier. Il y a des idéologies et des orientations différentes mais là n’est pas le sujet. De ce que l’on peut en retenir, c’est que le monde du cheval est en général assez peu visé ou sur des interventions isolées. La filière bouchère et les courses étant majoritairement décriées. Les actions mises en place étaient destinées à alerter et informer. En grande partie par la distribution de tracts et signatures de pétitions, aux abords des grands événements de rassemblements sportifs ou salons équestres. Certaines cependant, allaient plus loin dans l’idée d’une exploitation plus étendue du cheval.
* (Affiche One Voice de 2009)
Ces actions sont généralement peu médiatisées et peu relayées. Mais qu’elles soient organisées en groupe, ou isolées, elles existent.
Par exemple le 25 Aout 2019, pendant le championnat du monde de CSO à Rotterdam, lors du parcours de Marc Houtzager et son cheval Sterrehof’s Calimero, où deux militants sont entrés sur la piste.
Vous trouverez quelques informations complémentaires, photo et réactions dans les liens ci-dessous :
http://www.federationconseilchevaux.fr/page/115-confrontation-physique-reaction
Dans cette même période, se tenait à Bordeaux la troupe équestre Zingaro pour la représentation de son nouveau spectacle. A cette occasion l’association girondaise ACTA (Agir Contre la Torture des Animaux) décide de réagir et programme une manifestation le 1er Septembre 2019.
Mais le 20 Aout 2019, la mort d’un poney de la troupe en pleine représentation va faire grand débat sur les pratiques équestres et va également émouvoir et faire réagir les associations de protection animales. Ce drame grandement relayé et médiatisé sera suivi du rassemblement prévu du 1er septembre de l’association ACTA, qui bénéficiera d’un large rayonnement en se retrouvant sous les projecteurs.
https://www.sudouest.fr/2019/08/21/a-bordeaux-le-theatre-zingaro-en-deuil-6466788-2780.php
Fin 2019, la FCC ( Fédération nationale des Conseils des Chevaux) qui vise à rassembler et aider la filière équine sous des regroupements régionaux, dont vous trouverez un complément d’information ici :http://www.federationconseilchevaux.fr/page/2-federation-nationale-des-conseils-des-chevaux décide de réagir et crée le programme « mon cheval est mon partenaire ! », et un guide complet disponible ici : http://www.partenaire-cheval.fr/ . La visée est de : « Comprendre les mouvements animalistes » et « A réagir si vous êtes confronté à une de leurs actions, afin de défendre vos intérêts professionnels le plus efficacement. » Ce programme s’accompagnera de l’ouverture d’un groupe Facebook le 18 septembre 2019 https://www.facebook.com/groups/514011776068732/ et de l’envoi d’un courrier en décembre 2019 à plus de 40 000 intervenants de la filière équine contenant une carte avec un numéro vert d’assistance de conseil et d’accompagnement. Visible ici :
Le 7 Novembre 2019, se déroulent les assises de la filière équine à Angers, avec pour thème « le bien être équin ». Elles ont regroupé de nombreux intervenants de tous horizons.
La première « table ronde » permettait d’échanger sur la notion de bien être : aspects sociétaux et physiologiques. Elle comportait les thématiques suivantes : Quel est notre rapport au cheval aujourd’hui ? En quoi a-t-il changé ? Pourquoi parle-t-on de bien-être ? Quelles sont les limites de ce bien-être ? Vers quelle tendance s’orientons-nous (véganisme, nouveaux codes juridiques envers les animaux, interdiction des manèges à poneys…) ? Comment évaluer le bien-être du cheval ?
C’est l’intervention à cette table ronde de Sébastien JAULIN (Instructeur en éducation éthologique, spécialiste débourrage) qui a marqué les esprits et a été prise à part et très relayée. « Dès le moment ou on ne pourra pas justifier nos méthodes d’entraînement, nos méthodes d’hébergement, justement en adéquation avec la nature même du cheval, c’est là qu’on risque de se faire coincer et qu’on finisse par nous interdire de monter à cheval » Tous les moments « forts » des assises ici :
http://www.france-sire.com/actu_webtv-20980-differe_la_5eme_edition_des_assises_de_la_filiere_equine_sur_le_bien_etre_equin.php
Une autre actualité très repartagée des assises fût le débat organisé entre Nicolas Marty (Président de l’association ACTA « agir contre la torture des animaux ») et Jocelyne Porcher (Ethologue et directrice des recherches à l’INRA). C’est une grande nouveauté.
Visible ici : https://www.youtube.com/watch?v=kPiumWkQNbk
Ce débat fait réagir, on peut notamment lire le 8 novembre 2019 dans le magazine équestre « jour de galop » un article à son sujet http://www.jourdegalop.com/2019/11/ce-que-veulent-les-antispecistes
Mais également le 12 décembre 2019 une réaction de l’éthologue Hélène ROCHE, avec une Intervention vidéo en direct intitulée « Faut-il arrêter de monter les chevaux ?». Dans laquelle elle a souhaité s’exprimer sur un certain malaise ressenti dans la filière face aux questions de bien être équin, vis-à-vis de la montée médiatique de l’antispécisme. Lien du replay ici :
ET AU SEIN DES MOUVEMENTS ANTISPECISTES QUE SE PASSE-T-IL ?
Tous n’est pas tranché non plus et reste sujet à débat. Ces mouvements comptent des milliers d’individus à travers le monde, dont certains sont cavaliers, amateurs ou professionnels de la filière équine. Le sujet de l’équitation et de la relation Homme Cheval est un des sujets qui fait le plus débats au sein des mouvements antispécistes. Quand on procède à quelques recherches, voilà ce que l’on peut trouver :
La blogueuse américaine Emily de bite size Vegan suivie par plus de 40 000 personnes sur sa page Facebook, propose une série de 5 vidéos sur l’éthique du cheval postées sur YouTube en 2014 ici ( attention certaines images peuvent choquer, et certaines pratiques énoncées ne sont pas appliquées dans tous les pays) https://www.youtube.com/watch?v=VNKI79NMTHY&list=PLmIqdlomtuStYJe3oD-NpUxydS3_iOPJq&index=5 les thèmes traités sont : les dommages que provoquent le fait de monter à cheval, les effets du mors, l’industrie des courses et enfin le relation Homme cheval. Remise en cause des notions de respects et de confiance du « horsemanship » avec l’interview de Ren Hurst ancienne cavalière, qui a radicalement bouleversé ses pratiques et sa vision des choses jusqu’à arrêter de monter les chevaux. Son histoire et son livre « Riding on the Power of Others: A Horsewoman’s Path to Unconditional Love » est disponible en anglais pour ceux qui souhaitent s’intéresser à son parcours et à sa vision des choses.
La blogueuse Emily indique également je cite : « De tous les sujets sensibles que j’ai couverts, de la religion à l’avortement, mes vidéos sur l’éthique de l’équitation ont de loin provoqué le plus de controverses. »
Quand on recherche également sur les forums on peut y trouver certaines thématiques comme sur ce lien de discussion intitulé
« Coup de gueule d’une végane qui monte à cheval » https://forum.vegetarisme.fr/index.php?topic=3870.0 Ces échanges de 2016 montrent des avis et des points de vues complètement partagés ! il y a des avis très tranchés, d’autres plus mitigés, ceux qui ne savent pas, le sujet y est même finalement traité avec un certain humour.
Comme quoi ce n’est pas si simple de trancher sur notre rapport au chevaux, même au sein des mouvements antispécistes.
ET SINON PLUS PRECISEMENT, QU’EST CE QUI COINCE ? PEUT ETRE SUFFIT T’IL DE FAIRE QUELQUES CONCESSIONS NON ?
Vaste question ! Souvent ce qui est abordé c’est la notion du cheval qui doit être libre et faire ses propres choix. Mais cette notion qui peut être très philosophique est-elle identique pour tout le monde, en avons-nous tous une idée précise, claire, nette, concrète ?
Certains sujets rassemblent, d’autres divisent. Par exemple si vous prenez cette liste que l’on pourrait rallonger à l’infinie et que vous vous appliquiez à cochez « pour », « contre », ou alors « joker » vous n’en trouveriez peut être pas une identique à la vôtre ! Mais elle aurait sûrement aussi des points communs ou des points de rassemblement avec d’autres (que ce soit dans le monde équestre ou chez les antispécistes) :
« Les fermes à sang, l’hippophagie, monter à cheval, atteler, les chevaux de corrida, le rodéo, les courses, les concours, la douleur physique, la douleur mentale, les stalles, les box, les paddocks individuels, les cravaches, les sticks, les fouets, les éperons, les museroles, les œillères, le sevrage précoce, le sevrage brutal, le débourrage précoce, la tonte, les transports, la sélection génétique, les entraves de toutes sortes, les tords nez, les castrations, les fers, les couvertures, les marcheurs, les cavaliers trop lourds, les filets à foin, les aliments concentrés, les chevaux qui vivent seuls, les chevaux qui vivent avec des animaux qui ne sont pas de leur espèce, … »
Vous vous êtes reconnu quelque part ? Vous êtes d’accord avec certaines choses mais pas avec d’autres ? Vous vous demandez ce qui cloche sur une thématique, vous ne voyez pas le rapport de certaines ? d’autres vous ont mises mal à l’aise ? Ce sont pourtant tous des sujets qui mis sur la table amènent des discordes, les pours, les contre, les je ne sais pas, les je sais que c’est pas l’idéal mais comment fait-on quand on a pas le choix, pas l’argent, pas la possibilité… ? A des degrés différents certes. Finalement antispécistes ou filière équine, pro ou amateur les notions de liberté, de choix, de bien-être, de bien traitante ne sont pas si simples et si tranchées. Il y a des idées communes comme des discordes et ce dans les deux domaines.
Le point positif est que l’on s’intéresse et l’on se questionne sur tout cela, on y accorde une valeur. Mais qu’est-ce qu’il faut changer, est ce que tout le monde à la même définition et la même notion de chaque terme, de chaque usage, de chaque mot ? Si changement il doit y avoir quand faire ce changement ? Combien de temps avons-nous ? Notre rapport au cheval et notre équitation est-elle en danger si nous mettons trop temps à réagir ?
MAINTENANT QUE LE SUJET EST LA QU’EN FAIT ON ?
Si on tente de relayer quelques-unes des différentes réactions et prises de positions, elles sont nombreuses en voici quelques exemples :
- Sentiment d’injustice. Ceux qui ne comptent pas leurs heures, ceux qui y laissent leur santé, ceux qui sont dévoué à leur métier et à leurs chevaux.
- Non concerné : Ceux qui se sentent bien loin du monde de la filière équine (particuliers, petits élevages, petites structures…), qui ont peu ou pas connaissance du sujet de l’antispécisme ou bien sont peu touchés. Ceux qui pensent que chez eux il n’y a aucune forme d’exploitation du cheval. Ceux qui pensent que ce sont surtout les courses, la filière bouchère ou bien la corrida qui sont concernés.
- Déni : Ceux qui pensent que la filière équine avance dans le bon sens, qu’il y a de gros efforts qui sont faits et ce qui nous unis tous c’est l’amour des chevaux. Qu’il n’y a pas de sujet, les antispécistes peuvent visiter n’importe qu’elle structure ils y verront tous les efforts fournis et mis en place pour bien traiter les chevaux !
- Inquiétude, Peur : Ceux qui ont peur que le mouvement prenne de l’ampleur, peur de ne plus être autorisé à monter des chevaux ou même à vivre avec eux, « que faire ? Comment réagir ? les chevaux sont ma passion, mon activité est-elle en danger ? »
- Agacement, Colère : Ceux qui trouvent que les antispécistes ne pensent qu’à relâcher les chevaux dans la nature et les laisser totalement libres et voués à eux-mêmes, qu’ils ne connaissent rien au cheval ne le côtoient pas et se permettent de vouloir donner des leçons
- La législation, Protection : Ceux qui veulent se protéger, appliquer la loi pour qu’il n’y ait pas de débordements. Ceux qui pensent qu’être dans les normes imposées et respecter la loi et le cadre légal actuellement en place est suffisant et permet à chacun de continuer ainsi en se protégeant au mieux
- Recherche d’entente communes : Ceux qui trouvent qu’il y a des questionnements intéressants dans les deux camps, que l’on peut avancer ensemble pour trouver des améliorations communes. Se concentrer sur ce qui nous unis en laissant de côté tous les extrêmes.
- Cohésion : Ceux qui veulent se rassembler et se soutenir face à ce mouvement pour faire front.
- Sentiment de malaise, Remise en question, Doutes : Ceux qui pensent que sur certains points les antispécistes ont raisons, car ils ne sont pas toujours à l’aise avec ce qu’il se passe autour d’eux ou avec leurs propres agissements dans le monde équin. Les pauvres poneys qu’ils ont tant malmenés en étant débutant, et quand ils ont commencé le travail à pied ! Ceux qui pensent que par tous leurs apprentissages ils ont fait souffrir les chevaux. Ceux qui pensent qu’ils ont mal fait et qu’ils continuent à faire des erreurs, « Peut être que je leur fais mal, est ce que je devrais les laisser faire ce qu’ils veulent, est ce que je dois faire le choix d’arrêter de monter à cheval je me pose sérieusement la question ? »
- Envie d’évoluer, de progresser : Ceux qui aiment trop partager leur monde avec celui des chevaux pour envisager une rupture, qui veulent s’améliorer, se former, s’intéresser, progresser et faire ce qu’ils peuvent à leur niveau. Ceux qui pensent que si tout le monde fait comme cela les chevaux pourront vivre avec les hommes dans un monde commun et en harmonie.
- C’est un effet de mode il faut le laisser passer : Ceux qui ont conscience de ce qui est en train de se passer mais qui s’en détachent, pensent que l’on accorde à ce sujet une valeur bien trop importante, que les mouvements antispécistes sont assez minoritaires et qu’ils vont s’estomper.
- Notre histoire et notre culture ont une grande valeur : Ceux qui disent qu’on a toujours fait comme cela qu’on ne va pas abolir des pratiques culturelles et ancestrales ! il n’y a pas de sujet, il n’y a pas de débat, c’est un patrimoine intouchable et qui doit perdurer.
- C’est plus grave ailleurs : Ceux qui pensent qu’il y a quand même des choses plus graves à traiter sur la cause animale avant de s’attaquer à la filière équine.
- Il faut échanger et montrer patte blanche : Ceux qui pensent qu’il faut rendre transparentes les méthodes de la filière, échanger, être plus accessible, adapter le discours le langage, expliquer et justifier les pratiques notamment grâce aux sciences équines pour réussir à convaincre
- Ceux qui sont partagés entre quelques-unes de ces réactions et aussi tous les autres ….
Et vous, maintenant que le sujet est là, que choisissez-vous d’en faire ?
Laura, Etho’Lau
Article repris et paru dans la newsletter de la FCC (Fédération nationale des Conseils des Chevaux) en 2020