Notre cheval fait partie des herbivores, dont la peur est un mécanisme qui permet la survie. La nature l’a cependant doté d’une grande curiosité afin de s’intéresser et d’analyser un danger potentiel.
Sinon, ce pauvre animal passerait son temps à s’épuiser à fuir en permanence et l’espèce n’aurait pas survécu longtemps. Le cheval est curieux et vigilent, il va toujours finir par s’intéresser à ce qui l’inquiète, si cette chose est régulièrement présente dans son quotidien, afin de ne plus s’épuiser à la fuir inutilement, si elle ne présente pas de danger au final.
Le cheval gère et contrôle extérieurement bien mieux la douleur (qu’il doit savoir rendre invisible auprès des prédateurs) que la peur, qui est pour lui une véritable souffrance. Il faut en tenir compte et y consacrer tout le temps qu’il faut, ce n’est pas à nous de décider ou de juger quelle peur est valable ou ne l’est pas, respectons leur façon propre de percevoir le monde qui les entoure. Nous ne sommes pas eux.
Hors de question ici d’aborder des méthodes parfois spectaculaires et encore trop à la mode, de chevaux peureux qui deviennent proche de l’Homme en un temps record. Aux yeux de beaucoup elles font l’unanimité car l’on y observe aucune violence physique sur le cheval et les résultats sont extrêmement rapides. Mais la pression mentale et l’instinct de fuite provoqué y est si fort, qu’elles brisent le cheval, gèlent ses capacités de réflexion, épuisent ses ressources et sa créativité jusqu’à l’éteindre totalement, le rendre dépendant et lui faire tout accepter. Et rappelons-le, la peur est une souffrance pour le cheval.
POURQUOI LA PEUR EST-ELLE SI SPECTACULAIRE ET INCONTROLABLE CHEZ LE CHEVAL ?
Le cheval contrairement à l’Homme a peu de capacité de contrôle sur sa peur, quand elle est là, elle est pour lui une émotion violente qu’il ne faut pas prendre à la légère et qui peux rapidement devenir panique. Il va aussi conserver très longtemps dans son répertoire émotionnel les situations de terreur, car c’est une émotion résistante à l’extinction.
Les lobes frontaux et le cortex préfrontal sont capables entre autres, de nous aider dans le contrôle des émotions. Notre cortex préfrontal humain est bien plus gros que celui du cheval et cela semble avoir une vraie incidence. Nous sommes en capacités d’aborder les choses de manières détachées, concrètes, planifiées en mettant les émotions de côtés ou en les contrôlants en faisant appel à des capacités de raisonnent. Le cheval avec son petit cortex préfrontal, est lui, incapable de mettre des filtres sur ses peurs qui seront instinctives et spontanées.
Nous avons aussi la possibilité de verbaliser nos peurs et la parole permet de libérer les traumatismes ou les images incessantes qui nous hantent. Ce n’est pas le cas du cheval, qui va les conserver bien présentes et les faire ressurgir très rapidement.
TECHNIQUES, ASTUCES, CLES, POUR CREER UN CONTACT FIABLE, VRAI ET DURABLE
1) Créez un environnement stable et respectez ses besoins et sa vie de cheval
Ne provoquez pas de réactions dangereuses ou disproportionnées, aggravées par de l’enfermement prolongé, l’impossibilité de se déplacer, l’impossibilité de savoir comment communiquer par manque de contacts sociaux…. Permettez à votre cheval d’avoir une « vie de cheval » solide, cela le rendra plus « ancré » plus confiant, plus curieux, sûr de lui, patient, en maitrise de ses réactions. Il sera bien plus simple de lui apprendre à ETRE avec l’Homme s’il sait déjà ETRE cheval. Au contraire, si vous le privez de contacts sociaux pour qu’il se raccroche à vous, cela peut fonctionner car il va chercher une compagnie mais ne créera pas de relation véritable et stable dans le temps.
2) Faites-vous une place dans son quotidien, allez-vous reposer, lire…dans son espace de vie
Essayez d’exister comme personne à part entière dans sa vie, comme une habitude, comme un être calme et détaché qui ne génère pas la peur. C’est le début de l’apprivoisement en douceur et dans le temps. Laissez votre cheval vous ignorer s’il le souhaite (bien qu’il ne vous ignore pas vraiment même s’il en donne l’impression) et au fur et à mesure faites vos pauses de plus en plus proches de lui. Il prendra l’habitude de vous voir et augmentera son seuil de tolérance pour que vous puissiez être à ses côtés, un jour, sa curiosité prendra le dessus et il vous regardera et viendra peut-être vous toucher, laissez-le faire mais n’intervenez pas pour le toucher lui, alors qu’il ne le souhaite pas encore. Laissez le temps faire son chemin.
3) Utilisez un cheval proche de l’Homme qui vous servira à vous faire accepter
Pour un poulain craintif d’une mère proche de l’Homme, rien de plus simple. Ne cherchez pas à l’attraper, ignorez le complètement et occupez-vous de sa mère, brossez là, caressez là, marchez avec… Très vite le petit va s’habituer par observation à votre présence et à vos manipulations et va spontanément s’intéresser à vous, puisque sa maman vous intègre très bien dans son quotidien. Laissez-le vous découvrir à sa guise sans le toucher et lorsque vous sentez que c’est le moment, passez à l’étape suivante, le toucher en le gratouillant (croupe, épaule). Pour un cheval peureux, mettez-le au pré avec un cheval pot de colle, s’il reste tout le temps à l’écart et qu’il n’y a pas d’évolution, dans un espace plus restreint, venez-vous occuper du cheval confiant et laissez le cheval craintif redevenir curieux et tenter de vous explorer, cela peut prendre du temps. Passez ensuite aux étapes suivantes, balader en main avec l’autre cheval…et lorsque le cheval craintif commence à prendre confiance, faites des séparations progressives en le prenant seul (2 minutes contre la clôture puis de plus en plus loin et de plus en plus longtemps. …) Pour ne pas le rendre dépendant de son compagnon.
4) Créer des associations positives avec l’Homme
Soyez là pour nourrir, pour les changements de pré, pour les gratouilles…. Bref, pour tout ce qui touche au côté positif pour le cheval afin que ce dernier face un maximum d’associations positives avec l’Homme avant de commencer un travail qui nécessitera plus de confiance. A cette étape, ne lui demandez pas des sacrifices, juste faire ce qui est bon pour lui et ce qu’il va apprécier.
5) Créez des habitudes quotidiennes
(Changer de pré pour la nuit, nourrir, nourrir avec le licol…). La routine, les habitudes, les choses prévisibles rassurent et réconfortent et permettront d’établir des contacts plus facilement.
6) Ne le trahissez jamais et rendez-lui son évolution facile
Quand vous réussissez à l’approcher ou à l’attraper, n’en profitez pas pour le vermifuger, lui faire un vaccin ou lui apprendre à donner les pieds, en vous disant que c’est le moment de profiter de cette avancée pour faire sur lui tout ce que vous aviez à faire. Prenez votre temps et consolidez tout. Ne soyez pas pressé, cela risque d’aggraver les choses. Il vaut mieux louper le premier vermifuge et réussir les autres dans la confiance et l’acceptation, que se battre à chaque occasion. (Hors urgence vitale bien sûr)
7) Laissez-le entrer dans votre bulle et vous découvrir, sentir, toucher, sans chercher à entrer dans la sienne en le touchant aussi. Réalisez qu’au départ, c’est vous qui souhaitez ce contact, pas lui. Ce n’est donc pas au cheval au départ de vous inviter et vous tolérer chez lui mais à vous d’inviter le cheval à vous découvrir et à pénétrer dans VOTRE espace.
8) A-t-il vraiment peur de vous ?
Le cheval possède un « cerveau spécialiste » quand nous en avons un « généraliste » il a la capacité de voir et s’attacher très fort aux détails, quand nous en faisons des généralités. Un cheval peut avoir peur d’une chemise bleue, d’un chapeau, d’une cravache, d’un licol dont il aura gardé un mauvais souvenir, mais pas du tout peur de vous. Prêtez attention à son souci du détail.
CREER ET DECLENCHER LE CONTACT EN ESPACE OUVERT ET EN ESPACE CLOS
Ces techniques nécessitent une certaine expérience et une parfaite connaissance de la communication non verbale du cheval, de ses propres émotions, du contrôle de son corps, un certain feeling et un timing parfait. Si vous doutez, utilisez les techniques à plus long terme et accessibles à chacun présentes plus haut. Elles seront tout aussi efficaces et durables dans le temps.
1) Premier contact en espace ouvert : En approche retrait
Le cheval au pré, entrez dans son espace et approchez-vous, tentez d’atteindre tout juste son seuil de tolérance sans le dépasser, qui va lui faire manifester son envie de s’éloigner, mais arrêter son action dès qu’il verra que vous n’allez pas plus loin.
· S’il il bouge, suivez-le calmement et recommencez l’approche retrait
· S’il vous ignore, allez plus loin pour atteindre le seuil de tolérance
· S’il manifeste de l’intérêt (vous regarde, oreilles vers vous, tourne la tête, s’oriente vers vous…) reculez de quelques pas pour l’inviter ou détournez-vous pour vous éloigner
Les secrets de la réussite de cette méthode reposent sur le fait de rester calme et décontracté. Être patient. Savoir s’arrêter sur une évolution positive pour recommencer un autre jour jusqu’à pouvoir un jour faire en sorte qu’il vous suive, et le toucher. S’appliquer à toujours garder le cheval dans une allure lente et ne pas provoquer de fuite pour éviter qu’il aille trouver du confort en se précipitant loin de vous sans que vous puissiez le rejoindre rapidement pour recommencer l’approche retrait.
2) Premier contact en espace clos
· Intégrez le cheval dans l’espace clos avec vous (ou sans vous si c’est dangereux, le temps d’un retour au calme). Au départ ignorez le, restez immobile ou marchez si vous le souhaitez mais sans vous préoccuper de lui. Laissez-lui le temps d’explorer les lieux, de bouger, de hennir….
· Quand la tension commence à redescendre (le cheval ralenti l’allure, hennit moins…) commencez à vous intéresser à lui, marchez vers lui calmement en effectuant des demi-cercles et toujours en l’approchant sur le flanc ou vers le côté de la croupe pour laisser la fuite en avant libre et possible. S’il vous regarde, arrêtez-vous, reculez de quelques pas si vous souhaitez l’inviter, puis, reprenez votre douce marche, passez à côté de son épaule comme pour l’inviter à vous suivre. Agissez plutôt sur une marche en zigzag et ne venez pas directement face à lui.
· Quand le cheval commence à s’habituer à ce manège, recherchez plus souvent son attention, s’il vous ignore ou s’intéresse à autre chose alors que vous êtes en approche, chassez-le de façon détachée, sans violence en faisant par exemple un petit claquement de langue, en tapotant votre main sur la cuisse ou en envoyant par exemple une longe dans sa direction (pas vers l’avant ou la tête) ou en le touchant avec s’il ne réagit pas. Laissez-le partir et recommencez, ou s’il vous regarde, arrêtez-vous et invitez-le à venir en faisant quelques pas en arrière, puis, en repassant à côté de son épaule s’il ne vient pas pour l’inviter à marcher avec vous.
· Le cheval va finir par venir vous découvrir, vous sentir et au fur et à mesure il va vous suivre, vous pourrez ensuite commencer à le toucher, encolure, épaule…
Dans l’espoir que ce dossier puisse aider le plus grand nombre et toutes les personnes confrontées à un cheval qui craint l’Homme. N’hésitez pas en commentaire à parler de vos expériences et réussites à ce sujet, des choses à éviter ou bien qui n’ont pas fonctionné.
A très bientôt !
Laura, Etho’Lau