Le mâchouillement, mastication non alimentaire, léchage, bâillement, est considéré dans le travail monté ou à pied comme un signe de décontraction et de compréhension.
Situation fréquemment observée avec un cheval au travail, ce mâchouillement est souvent interprété et appris dans le milieu équestre comme un signe de soumission et d’acceptation face à la demande de l’humain.
UNE ETUDE DE 2018 A PERMIS D’OBSERVER CE COMPORTEMENT EN MILIEU NATUREL POUR MIEUX L’INTERPRETER, L’ETUDIER ET LE COMPRENDRE.
Le contexte :
Environ 200 chevaux vivants sur 334 km2 en plusieurs troupeaux sauvages d’équateur : juments, jeunes, étalons, 80 heures d’observations, 202 comportements de mastication observés.
Dans cette étude toute récente, une équipe de scientifiques norvégiens a voulu observer le comportement de mastication sur des chevaux à l’état sauvage, pour comprendre les causes de ce comportement complètement naturel, et pour répondre à deux questions :
– Est-ce que la mastication est un signe de soumission ?
Pour répondre à cette première question, les chercheurs ont observés des interactions agressives, et noté qui de l’agresseur ou du receveur mâchouillait après cette interaction. En toute logique, la théorie de la soumission devait se confirmer avec une attitude de mastication réalisée uniquement par le cheval agressé.
Les résultats ont remis en cause toutes les croyances du milieu équestre prônées et apprises depuis des années, car l’équipe a constaté que le comportement de mastication était effectué à la fois par les chevaux qui approchaient et par les chevaux destinataires. La mastication non nutritive avait même tendance à être plus souvent effectuée par l’agresseur que par le receveur, réfutant ainsi l’hypothèse selon laquelle ce comportement est un signal de soumission, mais plutôt synonyme d’un état de tension. Les chevaux mâchent parfois pendant l’entraînement, ce qui a souvent été interprété comme un signe que le cheval apprend ou montre une soumission à l’entraîneur.
Les résultats de cette étude suggèrent que la mastication non nutritive n’a pas été utilisée comme un signal de communication et de soumission par les chevaux dans les contextes observés, mais qu’elle s’est produite après une situation tendue, par un réflexe physiologique, probablement en réponse à une bouche asséchée par l’état de tension.
– Est-ce que la mastication est un comportement utilisé entre des situations de stress et de calme ?
Il a été observé que la majorité des attitudes et comportements avant une mastication étaient tendus, et la majorité des attitudes et comportements après mastication étaient relâchés. Le comportement de mastication s’est produit lorsque les chevaux sont passés d’un état tendu à un état détendu. Les chercheurs ont conclu que la mastication pouvait être associée au passage d’une bouche sèche causée par un stress = l’éveil sympathique, à une salivation associée à une relaxation = activité parasympathique.
Quelques pistes de réflexions et recherches à venir
La mastication ne serait qu’une simple réponse physique du cheval à une salivation excessive, produite par l’organisme, lors d’une situation de stress, dont les mâchoires serrées provoquent l’assèchement des muqueuses. Il a aussi été étudié qu’un filet trop serré notamment au niveau de la muserolle, provoque un appui important des muqueuses contre les dents du cheval et amplifie l’assèchement de la bouche lors du stress. Les chevaux concernés ont donc tendance à baver en grande quantité car ils produisent encore plus de salive pour palier à ce phénomène. Des recherches plus poussées pour confirmer cette théorie sont à mettre en place.
Cette étude souligne que le léchage et la mastication se produisent donc probablement après une situation de tension et peuvent être utilisés comme un indicateur de comportement, indiquant que la situation précédente était perçue comme stressante par le cheval.
Cependant, d’autres observations avec des mesures plus poussées sur l’état de stress seraient nécessaires pour indiquer si la mastication est une vraie relaxation ou si elle n’est qu’un phénomène pour aider à se détendre.
M Lie and RC Newberry, 2018. Horse communication: what does non-nutritive chewing mean ? International Society for Equitation Science, 14th-international-conference, Rome 2018
QUE PENSER DU MACHOUILLEMENT DANS LA RELATION HOMME CHEVAL ?
– Un cheval qui mâchouille n’est donc pas un cheval détendu ou soumis mais qui montre qu’il vient de subir un stress et émet un signal d’apaisement
– Un cheval qui ne mâchouille pas lors d’une séance de travail habituelle avec des exercices connus est plutôt bon signe car cela signifie qu’il est capable d’effectuer ces exercices avec toute la décontraction nécessaire et qu’il les a donc parfaitement assimilés, puisque ces derniers ne lui provoquent aucun état de tension.
– Une attitude de mâchouillement ne doit pas être recherchée dans un exercice connu et assimilé mais est plutôt logique lors de la mise en place d’un nouvel apprentissage où le cheval est placé en état de réflexion et d’attention.
– Un cheval qui mâchouille très fréquemment sur un laps de temps court lors d’une interaction avec l’Homme, indique que son état de stress est permanent et qu’il a besoin de mâchouiller en continu pour tenter de se relâcher. Il n’a donc visiblement pas compris ce que l’on veut lui apprendre, les demandes sont peut-être trop fortes avec un mauvais timing et un manque de respect du seuil de tolérance
Laura, Etho’Lau